Le printemps des houblonniers

© D.R.

Au mois d’avril, débute un véritable marathon agricole qui dure jusqu’à la récolte, en septembre. Antoine Floury est houblonnier à Bredily, dans les Côtes-d’Armor. Depuis 2018, sur 4 hectares, il cultive 8 variétés (Santiam, Nugget, Cascade…). Sa houblonnière bio est suivie en agropastoralisme grâce à un troupeau de 700 moutons de race Belle-Île. À terme, Antoine Floury prévoir de produire 6 tonnes de houblon, distribué le plus localement possible aux brasseurs associés.

BA – Est-ce que le fait que l’on n’ait pas eu d’hiver a un impact sur la production de houblon ? 
AF –
Un hiver doux peut entraîner une reprise plus précoce de la plante. Un hiver froid permet, par le gel, de limiter certains pathogènes du houblon lors de sa période de repos entre novembre et février. Le plus dommageable peut être un hiver très humide comme cette année. En effet le houblon, même s’il vit au bord des rivières ou cours d’eau, ne supporte pas une eau stagnante pendant une longue période. Ici dans la houblonnière pour éviter le pourrissement de certains rhizomes, dû à une pluie sans interruption de 4-5 mois, il a fallu créer de petites rigoles pour évacuer l’eau de surface.

BA – Quelles sont les différentes étapes pour « relancer » une houblonnière ?
AF –
Après l’hiver le réveil de toute la végétation arrive, il faut faire place nette dans la houblonnière et préparer au mieux le houblon pour son ascension fulgurante. Première étape particulière : le décompactage, pour que les racines puissent s’épanouir dans une terre légère. Ensuite il faut nettoyer la houblonnière en enlevant le reste des fils tuteurs de l’année passée. Nous travaillons le sol, surtout les premières années après implantation pour éviter toute concurrence avec le houblon. Ce travail de sol a aussi pour but de créer une atmosphère sèche (sans végétation gardant l’humidité) afin d’éviter le développement de certains champignons comme le mildiou, par exemple. Une taille a ensuite lieu pour stimuler le houblon. Comme pour la barbe, elle stimule la croissance, la vigueur et l’homogénéité dans la houblonnière. Puis on réinstalle les 3 000 fils tuteurs à l’hectare en les ancrant au sol : on aide la jeune pousse de houblon à s’entortiller autour pour commencer sa course. Pour l’implantation ou dans les premières années, il est capital de faire des analyses de sol pour observer ses spécificités et faire quelques corrections si besoin.

BA – Le sol en lui-même est aussi travaillé ?
AF –
Oui. Les houblonnières européennes luttent contre certains parasites (araignée rouge, puceron, champignon…) et l’un des remèdes est le travail du sol. Cependant nous voyons dans d’autres régions des houblonnières en herbe. Il faut s’adapter à nos conditions spécifiques locales et maladies locales. Le but à terme sera de tester une bande enherbée dans l’inter-rang mais avant tout nous faisons comme cela est fait traditionnellement en Alsace et dans le Nord de la France en travaillant le sol pour réussir la culture et l’implantation.

BA – Jusqu’à la récolte en septembre, comment ça se passe ?
AF –
Après avoir sélectionné 3-5 jets par souche sur les dizaines de jets s’exprimant et les avoir guidés, la croissance du houblon explose pouvant aller jusqu’à 20 cm en un seul jour ! Le vent peut décrocher certaines têtes de lianes et il faudra faire deux à trois campagnes de remise au fil. Lorsque le houblon atteint une bonne taille, nous l’effeuillerons à sa base pour créer un courant d’air sec afin d’éviter les maladies. Puis, il sera possible d’amener un peu de matière organique fraîche au pied de chaque plante avant de buter le plant (cela limite les adventices et stimule les racines estivales). Tout au long de la saison nous surveillons l’état sanitaire et stimulons le houblon pour qu’il soit prêt à se défendre si champignon, pucerons araignée rouge, charançon, chenille défoliatrice … arrivaient. Enfin les fleurs apparaissent fin juin à juillet puis mûrissent jusqu’à fin août à septembre et lorsque l’arôme puissant de la lupuline (qui contient les huiles essentielles et les acides alpha) apparaît, que le cône devient collant, l’heure de la récolte aura sonné ! Aboutissement d’une année passionnée.

Être paysan en ces jours de confinement est un luxe : nous sommes dans nos champs et travaillons dehors.

Antoine Floury

BA – Quel est l’impact de la crise sanitaire du Covid-19 sur votre métier ?
AF –
Il peut être plus difficile de trouver de la main d’œuvre. Dans une petite structure comme la nôtre le travail peut être fait en effectif réduit. C’est complètement différent dans des structures plus grosses où le houblon n’attendant pas, il faut des équipes importantes à des temps spécifiques et là, le manque d’effectif peut être catastrophique.

BA – Les brasseries sont dans une passe difficile. Craignez-vous que cela ait un impact sur vos ventes ?
AF –
Non, je ne redoute pas cela. La houblonnière s’inscrit dans une démarche locale, pour les brasseries locales distribuant localement. Il y a une vraie discussion entre les brasseurs et nous et il est donc facile de comprendre les difficultés de chacun, nous nous entraidons. Le fait de distribuer localement permet aux brasseurs de trouver leurs matières premières sans risque de difficulté d’importation. Être dans une vraie éthique locale c’est faire place aux discussions, à l’humain, à la solidarité et cela nous renforce tous.


La houblonnière de Lezerzot
3 Lezerzot
22 140 Bredily
houblonbreton.com