Belgique – Dubuisson tire la sonnette d’alarme pour sauver l’Horeca et dénonce les éternelles disparités entre Wallonie et Flandre

© Dubuisson

Cela fait maintenant sept mois que les bars et restaurants de Belgique restent fermés au public. « En 7 mois, c’est tout un secteur qui a eu le temps de se noyer » , affirme la Brasserie Dubuisson (Pipaix, BE) dans un communiqué, appelant les autorités à agir pour sauver la filière.

Dressant le constat d’un échec, la Brasserie Dubuisson s’interroge fortement « sur la relative inaction du gouvernement wallon en matière d’aides mais aussi et surtout sur l’incohérence du système ‘belge’, créant d’importantes disparités entre le nord et le sud du pays » , précise le communiqué.

Brasseur, distributeur et gérant d’établissements, le groupe Dubuisson est actif dans l’ensemble de la filière. Impliqué à tous les niveaux, il dresse un bilan « catastrophique et incohérent »  des aides financières octroyées par le gouvernement Wallon et tire la sonnette d’alarme afin que les pouvoirs publics réagissent et sauvent ce qui peut encore l’être dans le secteur.

Après cinq mois et demi de fermeture de l’Horeca, la Brasserie Dubuisson (Bush, Cuvée des Trolls…) enregistre un recul de près de 40 % des volumes écoulés en 2020 (vs 2019) et affirme n’avoir reçu aucune aide de la région wallonne pour combler ces pertes. Idem pour sa filiale de distribution, la SCRL Distriboissons , qui a perdu 60 % de son chiffre d’affaires pendant les mois de confinement. « En Wallonie, aucune aide n’est actuellement octroyée à la filière de distribution. » Concernant les quatre établissements du groupe (Brasse-Temps et Trolls & Bush), les aides versées « ne permettent parfois même pas de couvrir un mois de loyer » , affirme Dubuisson, selon qui, ces aides ne représentent 0,38% du chiffre d’affaires total des établissements en 2019. « Le bilan 2020 est donc bel et bien désastreux pour le groupe Dubuisson » , mais le brasseur n’est pas le seul dans cette situation : « C’est aujourd’hui toute la filière Horeca wallonne qui est l’agonie, des producteurs en passant par les distributeurs jusqu’aux restaurateurs et aux tenanciers de bars. »

« Une cacophonie à la belge »

« Si la Brasserie Dubuisson comprend que la mise en place de mesures sanitaires étaient nécessaires pour faire face à la crise Covid, elle reste totalement dubitative quant à la politique d’aides qui accompagne celle-ci. Une cacophonie ‘à la belge’, créant de fortes inégalités entre le nord et le sud du pays.

La première incohérence se situe dans la gestion même de la crise par les différentes entités de notre pays. Les mesures sanitaires de confinement sont prises (pour la plupart) par le gouvernement fédéral par l’intermédiaire du comité de concertation. Les régions ont ensuite la responsabilité d’octroyer les aides nécessaires pour que les entreprises impactées puissent tenir le cap… et c’est là que le bât blesse. Les mesures d’aides proposées par les régions sont fondamentalement différentes avec une région flamande proposant des subsides bien plus concrets et substantiels que ses régions voisines.

A titre d’exemple, faisons le comparatif de l’aide à l’Horeca proposée en Flandres au regard de celle proposée en Wallonie. Là où le sud du pays a décidé d’une prime fixe en fonction du nombre de salariés employés par une entreprise, le côté nord du pays propose une mesure adaptée et bien plus conséquente. Le calcul du montant de l’aide se base sur le chiffre d’affaires de l’établissement. Ainsi un restaurateur flamand touchera 10 % du chiffre d’affaires perdu sur la même période un an plus tôt. Une méthode qui semble plus juste et mieux adaptée à la situation de chacun. Il y a bien évidemment des plafonds fixés à ces aides et ceux-ci dépendent du nombre de salariés employés par l’entreprise. Un mécanisme qui est donc commun entre Wallonie et Flandre, à deux grosses différences près : les montants d’aide sont sensiblement inégaux et  le baromètre wallon est prévu pour des entreprises allant jusqu’à 10 salariés contre 50 dans le système de calcul flamand. Un rapide calcul permet à la brasserie d’estimer les aides sur lesquelles elle aurait pu compter en Flandre. Celles-ci s’élèvent à 105 K € contre 30 K € reçu en Wallonie (pour une période équivalente de 3 mois de fermeture)… Soit 3,5 fois plus.

Au-delà de cette différence d’indemnité, la Flandre a décidé d’aider (de manière logique) l’ensemble de la filière impactée par la fermeture de l’Horeca. Elle n’a pas laissé pour compte les acteurs travaillant dans la production ou la distribution. En effet, son aide s’adresse à toutes les entreprises sans distinction, à conditions d’avoir subi une perte de 60% de son chiffre d’affaires et/ou d’être une entreprise dont le chiffre d’affaires est dépendant à 50 % d’un secteur ayant été totalement fermé par les mesures Covid. A l’opposé du pays, la Wallonie a fixé des règles en fonction du secteur d’activité. Ainsi, toutes les entreprises n’ont pas droit à une aide. C’est le cas par exemple du secteur de la distribution ou de la production. Le gouvernement wallon a bien annoncé qu’un subside serait octroyé aux fournisseurs de l’Horeca… Mais à ce jour (après 7 mois de pandémie), il n’y a toujours aucune trace d’un quelconque soutien.

Encore une fois, les chiffres sont détonants. L’entreprise de distribution dans laquelle est active le groupe Dubuisson aurait reçu 80 K € d’aides en Flandre contre 0€ en Wallonie (pour une période équivalente de 3 mois de fermeture)…. Si aujourd’hui, la différence entre entreprises flamandes et wallonnes se fait ressentir au niveau de ces subsides, demain, à l’heure de la reprise des activités, cette distinction sera un réel handicap pour les acteurs économiques du sud du pays. Ces inégalités de primes engendrent une distorsion de la concurrence entre les distributeurs wallons et flamands. L’un devra réparer les pots cassés tandis que l’autre pourra se consacrer pleinement à la reprise et au développement de ses activités.

Ces chiffres et ces écarts nord/sud démontrent l’absurdité de la situation décrite précédemment. Cette disparité est d’autant plus aberrante lorsque l’on considère que les impôts, tva et taxes sont payées et réglementées par l’état fédéral. Ainsi, une entreprise wallonne paiera le même  taux d’impôt qu’une entreprise flamande, mais les aides perçues seront bien moins importantes pour la première citée. Une injustice difficile à avaler.

Le secteur a bien évidemment interpellé les responsables politiques wallons à de multiples reprises, sans que ceux-ci ne réagissent concrètement par la mise en place de mesures adéquates. Et lorsque l’on interroge le gouvernement wallon sur la raison de ces énormes différences entre le nord et le sud, les réponses vont généralement en ce sens : ’On fait avec ce qu’on a / La Wallonie est pauvre / Nous n’avons pas les moyens d’octroyer les mêmes aides que le gouvernement Flamand’.


Bref, la Wallonie n’a pas les moyens de ses objectifs et se montre peu encline à compenser  les pertes des acteurs économiques impactés par les mesures de confinement. A tout le moins, ne devrait-elle pas alors reprendre les rênes de sa politique sanitaire et ainsi autoriser une réouverture contrôlée et contrôlable de l’Horeca au plus vite ? Afin peut-être d’éviter que l’Horeca Wallon ne se transforme en un cimetière de faillites…
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