Disparition de l’ingénieur brasseur Dany Griffon

© YouTube

Âgé de 76 ans, Dany Griffon s’est éteint hier, mardi 2 février, à son domicile, dans l’Hérault, des suites d’un cancer. Docteur en sciences alimentaires, il a acquis une renommée mondiale grâce à ses recherches sur les amidons tropicaux et sur leur utilisation dans la fabrication de bières autochtones.

Originaire de l’Auvergne, né à Echandelys (63) le 11 novembre 1945, Dany Griffon a consacré sa vie à la recherche. De 1966 à 1969, il étudie à l’Ecole de Brasserie et de Malterie de Nancy (qui devient l’ENSAIA en 1968) et obtient le diplôme d’Ingénieur brasseur. Au sortir de ses études, il reste à Nancy encore un an comme assistant du professeur Maringe, au contact duquel il se découvre un véritable attrait pour l’enseignement et la science.

Au début des années 1970, il part en Afrique, à Lubumbashi, au fin fond du Katanga (ex-Zaïre). Coopérant dans le cadre de son Service militaire, il travaille dans un centre de recherches sur les minerais. « Il se plaisait bien en Afrique, raconte son ami Jean-Paul Hébert. Il décide d’y rester comme coopérant civil au Centre de Recherche Industrielle en Afrique Centrale (CRIAC), et détourne ses analyses de chimie vers la biochimie des produits alimentaires. A partir de 1973, il s’intéresse à une boisson locale, le munkoyo, déjà connue des chercheurs belges, qui va faire sa renommée mondiale ! C’est une bière vernaculaire tout à fait originale car fabriquée à partir de manioc et des racines d’un arbuste de la savane aux propriétés exceptionnelles ! Il suffit d’utiliser ces racines dans une bouillie de manioc pour la liquéfier et obtenir des sucres fermentescibles. Cela donne, dans notre vocabulaire, une bière autochtone. »

En 1976, après 8 ans en Afrique, Dany Griffon rentre en France. A Montpellier venaient de s’installer les centrales de recherche sur les productions tropicales (café, cacao, coton, huile, caoutchouc, fruits, agronomie tropicale…). Cet ensemble donnera le CIRAD, le Centre de coopération internationale de recherches agronomiques pour le développement. Le directeur de l’école de Nancy, Jean-Michel Clément, imagine une école d’ingénieurs agroalimentaires tournée vers les régions chaudes. Il propose à Dany Griffon d’en assurer la mise en route. Jean-Paul Hébert poursuivra la tâche et développe avec lui cette Section ingénieurs agroalimentaires pour les régions chaudes aujourd’hui au sein de l’Institut des régions chaudes dans le cadre de Montpellier SupAgro.

Au CIRAD, Dany Griffon étudie les technologies alimentaires africaines et des pays du Sud. « Son idée première était de s’intéresser aux technologies autochtones et de les croiser avec les technologies occidentales, afin que tout cela s’auto-enrichisse, détaille Jean-Paul Hébert. C’est ainsi qu’il est devenu un expert mondial sur les amidons tropicaux, et notamment le manioc. »

Dany Griffon s’est éteint hier après-midi, 2 février, à son domicile de Juvignac (34), entouré de son épouse, Francine, et de leurs deux enfants. Depuis que les médecins lui avaient diagnostiqué une tumeur cancéreuse au poumon, avec métastases osseuses, en septembre dernier, il avait suivi plusieurs séances d’immunothérapie et de chimiothérapie. « Il souffrait terriblement et avait refusé tout acharnement thérapeutique. Il était en soins palliatifs, à domicile » , explique son compagnon de route Jean-Paul Hébert.

Ensemble, les deux hommes ont écrit Toutes les bières moussent-elles ? (Ed. Quae, 2010). Ce livre grand public propose le tour de la bière en 80 questions : son histoire, sa fabrication, son rôle social… Cet ouvrage a la grande originalité de parler de bières autochtones fabriquées avec des techniques inconnues comme le munkoyo, à base de manioc bien sûr, mais aussi de banane, ou de mil, se basant sur les recherches sur les amidons tropicaux, auxquelles Dany Griffon a consacré sa carrière. La qualité, l’originalité des informations, les nombreuses illustrations ont séduit le jury des 25e Gourmand Awards, véritables oscars qui récompensent les meilleurs livres mondiaux consacrés à la « gastronomy, food and drink culture » , puisqu’il a élu ce livre 1er Best in the world 2020, devant les irlandais célébrant la Guinness.

Réagissant à la disparition de Dany Griffon, Brasseurs de France salue « un précurseur et un passionné de l’histoire de la bière et de sa fabrication » . Le SNBi se souvient d’un homme « d’une très grande gentillesse, doté d’une connaissance approfondie de la bière. Ses livres resteront dans la mémoire de beaucoup de brasseurs. »