Les houblonniers alsaciens sont sur le pied de guerre depuis hier matin, premier jour de cueillette du houblon. Cette année, la récolte semble prometteuse. Reportage à la ferme Pfister, à Wingersheim, au Nord de Strasbourg.
Dès 7h ce vendredi matin, Yves Pfister, son père, ses deux frères et les deux ouvriers de la ferme, ont attaqué la cueillette. Un mot bien délicat pour définir le ramassage de milliers de lianes de houblon arrivées à maturité et grimpant à plus de 6 mètres de hauteur le long d’un fil de fer. La ferme Pfister cultive le houblon sur une trentaine d’hectares où s’élève une forêt de poteaux pointés vers le ciel.
« Depuis ce matin, mon grand frère fait les allers-retours entre la houblonnière et la ferme » , explique Yves Pfister qui représente la quatrième génération de cette famille de houblonniers.
Au volant de son tracteur, l’aîné des trois frères sillonne les champs, slalomant entre les poteaux et ramassant les lianes qui se couchent dans la remorque. Puis il va décharger à la ferme. « Il faut aller très vite car on ne peut pas conserver les lianes dans la remorque trop longtemps, sinon le houblon pourrait commencer à fermenter » , poursuit Yves Pfister. Dans la journée, le tracteur effectue plusieurs dizaines de rotations entre la houblonnière et la ferme.
Un mécanisme bien huilé
Dans la cour de la ferme pétarade une machine infernale. Deux ouvriers agricoles, embauchés pour la circonstance, prennent le relais. Une à une, les lianes sont accrochées à la machine qui va littéralement les dépiauter… tout en finesse pour ne pas abîmer les précieux cônes de houblon.
Les cônes, ce sont les fleurs (femelles) qui contiennent la précieuse lupuline, cette substance qui apportera à la bière son amertume et ses arômes. La ferme Pfister cultive neuf variétés de houblon, dont plusieurs célèbres variétés alsaciennes : Mistral, Triskel, Aramis ou Elixir, par exemple. La variété récoltée aujourd’hui s’appelle Fuggle. Elle est anglaise, cultivée en Alsace depuis 2009, et bien connue des brasseurs pratiquant le houblonnage à cru.
La liane est absorbée par la machine qui sépare les cônes des tiges et du feuillage. Les cônes sont acheminés par un système de tapis roulants jusqu’en haut du séchoir, sous le regard de Hubert Pfister, le père qui, même s’il a officiellement passé la main, ne raterait pour rien au monde cette période exaltante de la cueillette. Le séchage, c’est sa partie.
Pendant trois heures, les cônes vont êtres asséchés en deux étapes, dans un immense séchoir vertical, afin d’atteindre un taux d’humidité à cœur inférieur à 14 %. Au bord de sa piscine de houblon, Hubert Pfister s’empare d’une perche en bois avec laquelle il brasse quelques cônes en cours de séchage. « En faisant ça, je vois se soulever les fleurs et j’apprécie leur légèreté. D’expérience, je sais si le séchage est bon ou s’il faut continuer » , explique-t-il.
Approvisionner les brasseries
Le houblon sera ensuite mis en ballots, pour faciliter le transports, puis pelletisé (comprimé en granulé), conditionné sous vide dans des poches opaques et stocké dans les chambres froides du Comptoir Agricole avant d’être distribué aux brasseries… dont celle de Daniel Pfister, le frère d’Yves, qui tient la Brasserie La Houblonnière. Lui aussi participe à la cueillette, car chez Pfister, le houblon est une affaire de famille !
La récolte devrait durer jusqu’à la fin du mois de septembre. Au moment de faire les comptes, Yves Pfister espère atteindre les 50 tonnes. ■
Journaliste radio depuis plus de 25 ans, Olivier Malcurat est entré dans l’univers de la bière en 2018 lorsqu’il crée Le Pod’capsuleur, le podcast qui aime la bière et les brasseurs. En juillet 2020, il lance Bière Actu, un site d’information indépendant et participatif, basé sur un concept à trois voix : journalistes, experts et professionnels.