C’est la dernière brasserie à vapeur au monde et elle continue de produire, dans du matériel d’époque. Fondée en 1785 à Pipaix, dans le Hainaut, elle a été modernisée et mécanisée en 1895. Conservée dans son jus, cette brasserie exceptionnelle pourrait être prochainement classée. L’enquête publique débute aujourd’hui.
La procédure est simple : à l’issue de cette enquête publique qui va durer trois mois, l’Agence wallonne du patrimoine présentera une synthèse des avis reçus. La Commission consultative communale d’aménagement du territoire et le Conseil communal de Pipaix seront également consultés. Pour le propriétaire de la brasserie, cette démarche est bien plus qu’une simple formalité administrative. « Mon épouse a été tuée dans la brasserie par le générateur de vapeur qui a explosé, se souvient Jean-Louis Dits. Il s’en est fallu de bien peu pour que je ne sois dans le même cas, je rentrais dans la pièce et le souffle m’a repoussé. Les enfants, devenus orphelin, un Conseil de famille a été constitué. J’ai eu l’occasion de demander aux membres de ce Conseil ce qu’ils auraient fait dans le cas de disparition des deux parents. Les réponses ont été catégoriques : vendre. Un peu après, j’ai commencé des démarches de classement afin d’assurer une pérennité. Il n’était pas question que ma femme soit décédée pour rien. Cela n’a pas abouti pour des raisons politiques. J’ai recommencé l’an passé car les donnes politiques avaient un peu changé. Cela semble, actuellement, avoir plus de chances de réussir. »
Si le résultat de l’enquête publique est positif, un arrêté de classement sera proposé à la signature de la ministre Valérie De Bue, notamment en charge du Tourisme. « La méthode brassicole est symbolique de la révolution industrielle du XIXe et de la mécanisation, expliquait, en janvier dernier, Valérie De Bue. L’édifice est un exemple de rareté tant à l’échelle locale qu’à l’échelle européenne. Au-delà de sa valeur patrimoniale, il est toujours en activité et ouvert au public. Il s’agit d’un bel exemple d’un patrimoine qui s’inscrit dans la vie de la société ».
Si le bâtiment industriel est typique du XIXe siècle, la Brasserie à Vapeur a surtout conservé sa salle de fermentation d’origine. Son concasseur, qui date d’avant 1894, est une pièce unique, tout comme la plupart des machines et appareils qui composent l’installation. La cuve d’ébullition mise en service en 1919 a fêté son siècle d’activité l’an dernier. A sa création, en 1785, elle s’appelait la Brasserie moderne. Puis la Brasserie à Vapeur. Puis la Brasserie Biset-Cuvelier, des noms du couple de propriétaires, comme le voulait la tradition de l’époque. Lorsqu’ils reprennent la brasserie en 1984, Sittelle et Jean-Louis Dits lui redonnent son nom disparu de Brasserie à Vapeur. « Ce nom était plus parlant et caractérisait très bien l’atelier, raconte le brasseur. Cela signifiait encore quelque chose car pas mal de gens avaient connu la période de la vapeur employée comme force motrice. » Professeur d’Histoire, Jean-Louis Dits a aussi fait de l’archéologie industrielle. « J’étais et je suis toujours un passionné de fermentations et j’étais homebrewer. J’ai réuni deux passions. »
Le projet de Jean-Louis Dits est de perpétuer la tradition. C’est désormais la seule brasserie à vapeur du monde toujours en activité et probablement les plus vieil atelier toujours en fonctionnement. « Nous sommes véritablement un musée vivant » poursuit le propriétaire des lieux qui regrette de ne pas être installé dans la région la plus touristique de Belgique. « Les ‘responsables’ de la Ville de Leuze-en-Hainaut n’ont pas encore compris – ou ne veulent pas comprendre – que le tourisme est une activité intéressante » regrette-t-il.
Malgré tout, la brasserie tourne à toute vapeur chaque dernier samedi du mois. « A cette occasion, nous organisons un repas dont les thèmes sont la bière, le bio, le local. Nous accueillons environ 1 200 personnes par an. Nous faisons rarement un brassin sans visiteurs américains, canadiens ou italiens. Le monde entier se donne rendez-vous ici : Singapour, Japon, Corée, Amérique du Sud, Australie… » La Brasserie à vapeur vise une production annuelle de 500 hl. L’an dernier, l’objectif n’a pas été atteint : « J’ai été opéré du cœur, précise Jean-Louis Dits. Cette année, nous devrions aussi être en dessous, à cause d’une autre crise, virale cette fois. » ■
La Brasserie à Vapeur
Rue du Maréchal, 1
7 904 Leuze-en-Hainaut – Belgique
Tél. : +32 69 66 20 47
brasserie@vapeur.com
vapeur.com
Journaliste radio depuis plus de 25 ans, Olivier Malcurat est entré dans l’univers de la bière en 2018 lorsqu’il crée Le Pod’capsuleur, le podcast qui aime la bière et les brasseurs. En juillet 2020, il lance Bière Actu, un site d’information indépendant et participatif, basé sur un concept à trois voix : journalistes, experts et professionnels.