La Brasserie Bourganel clouée au pilori par la taxe Prémix

© Brasserie Bourganel

Après 25 ans d’activité, la brasserie ardéchoise a été liquidée par le Tribunal de Commerce d’Aubenas. Conséquence d’un défaut de déclaration aux douanes relatif à la taxe Prémix.

La liquidation judiciaire de la Brasserie Bourganel (Vals-les-Bains, 07) a été prononcée le 11 février dernier par le Tribunal de commerce d’Aubenas. La brasserie avait été créée en 2000 et c’est un contrôle des douanes, initié en 2021, qui a provoqué sa chute. La brasserie commercialisait la Brimbel (5 % alc/vol), une bière aux myrtilles d’Ardèche. Interrogé par ici Drôme-Ardèche, le fondateur et directeur de la brasserie, Christian Bourganel, reconnaît sa faute : « J’ai fait une erreur en interprétant mal un texte de loi sur les alcools dans lesquels il y a du jus de fruits, je pensais que c’était que pour les alcools forts mais c’était pour tous les produits alcoolisés, donc ma bière à la myrtille à 5°, faite avec du pur jus d’Ardèche, s’est retrouvée classée en Prémix. »

En vigueur depuis le 27 décembre 1996, la Taxe sur les boissons Prémix (11 € / dL d’alcool pur) s’applique sur les mélanges de boissons alcoolisées et non-alcoolisées. « Le législateur a mis en place cette taxe supplémentaire pour lutter initialement contre le whisky-coca et donc contre l’alcoolisme et l’obésité chez les jeunes, commente Louis-Marie Savy, juriste en Droit Douanier et Contributions Indirectes. L’intention de départ n’était pas mauvaise et relevait de la santé publique, mais des années plus tard, l’application stricte de cette taxe fiscale fait fermer des brasseries. »

« Nous pouvons regretter que cette situation intervienne presque de 4 ans après le contrôle initial, note Me Pierre Galmiche, associé au sein du cabinet Aramis et responsable de la pratique droit économique. Nous pouvons nous demander si l’administration douanière n’aurait pas pu, en prenant une décision plus rapidement, éviter de précipiter une entreprise en liquidation. »

Le jus de myrtilles d’Ardèche ajouté au moment de l’embouteillage, donc après fermentation, faisait basculer la Brimbel dans la catégorie Prémix. La brasserie aurait donc dû s’acquitter de la fameuse taxe, ce qu’elle n’a pas fait. Aussi, les douanes réclamaient à la brasserie plus de 1 M € de redressement sur cette taxe, le délai de reprise s’étendant sur les trois dernières années. « On me demande de payer une année de chiffre d’affaires, ce qui n’est pas possible donc c’est le dépôt de bilan. C’est 25 ans de boulot qui partent en fumée, ça me travaille, c’est très dur à vivre » , confie Christian Bourganel à Ici Drôme-Ardèche.

Peu importe la quantité de boisson non-alcoolique ajoutée à la bière. L’étiquette de la Brimbel indique 6 % de jus de myrtille d’Ardèche, mais « même si cela avait été 1 %, ça aurait été pareil » , selon le spécialiste du droit douanier. Cette taxe s’appuie sur trois critères cumulatifs (art. 1613 bis du CGI) :

  • La boisson doit avoir un titre alcoométrique volumique (TAV) comprise entre 1,2 et 12 %.
  • Les cidres, poirés, boissons IGP ou certification équivalente sont exclus d’office de l’application de cette taxe.
  • Le produit final doit être composé : soit d’un mélange préalable de boissons alcooliques et non alcooliques, ou bien avoir un taux de sucre inverti supérieur à 35 g / L.

« Le texte considère donc également comme Prémix une bière dont le taux de sucre inverti serait supérieur à 35 g / L, souligne Louis-Marie Savy. Le sucre inverti correspond au pouvoir sucrant de la boisson, sans tenir compte des sucres résiduels. »

« A partir du moment où l’on ajoute une boisson non-alcoolique à la bière (jus de fruit, café…) et quelle que soit la quantité ajoutée, le produit final devient un prémix, poursuit Louis-Marie Savy. Je conseille deux choses à mes clients : établir un mélange avec un moût (avant la fermentation, ndlr) et ne pas intégrer de boisson non-alcoolique mais plutôt une compote, une purée ou un concentré. Le texte considère donc également comme Prémix une bière dont le taux de sucre inverti serait supérieur à 35 g / L. Le sucre inverti correspond au pouvoir sucrant de la boisson, sans tenir compte des sucres résiduels. »

A titre d’exemple, pour 100 canettes de bière de 0,5 L à 4,7 % alc/vol, la brasserie est taxée à hauteur de 258,50 € (en plus des habituels droits d’accise). En effet : 0,5 L x 100 x 4,7 % = 2,35 L d’alcool pur, soit 2,235 dl d’alcool pur. 11 € x 0,235 = 2,5850 € par cannette, soit 258,5 € pour 100 canettes.

Si l’on poussait la logique jusqu’au bout, les brasseries pratiquant le brassage haute densité devraient logiquement s’acquitter de la taxe prémix puisqu’elles coupent la bière à l’eau, qui est probablement la boisson non-alcoolique la plus courante qui soit. Sauf qu’une petite ligne s’est glissée dans un bulletin officiel des Douanes traitant des hard seltzer qui prévoit que l’eau qui sort des canalisations de la commune n’est pas considérée comme une boisson non-alcoolique, alors que l’eau de source ou l’eau en bouteille le sont.

Notons aussi qu’il existe un autre barème de taxation Prémix à 3 € du décilitre d’alcool pur. Mais il est réservé aux boissons alcooliques relevant des catégories fiscales des vins ou des autres boissons fermentées.


Info +

Jeudi 6 mars, de 17h à 18h, Louis-Marie Savy donnera une conférence en ligne pour les brasseries adhérentes au SNBi.

Contact

Louis-Marie Savy
Cabinet Fidal
Email : louis-marie.savy@fidal.com