Le marché suisse de la bière fléchit, l’innovation résiste

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Le marché suisse de la bière recule de 1,8 % en 2024/2025, sous la pression des coûts croissants et d’un secteur restauration fragilisé, tandis que les bières traditionnelles et sans alcool progressent, portées par l’innovation.

La filière suisse clôture une année brassicole 2024/2025 (du 1er octobre 2024 au 30 septembre 2025) marquée par une baisse globale de 1,8 % du marché, selon l’Association Suisse des Brasseries. Le marché helvétique totalise désormais 4,72 millions d’hectolitres, reflet de multiples défis économiques et de changements dans les habitudes de consommation. Cette diminution, bien que modérée, souligne des changements significatifs sur un marché historiquement stable.​

Les chiffres montrent une contraction de la production domestique totale, en repli de 1,9 %, pour atteindre 3,69 millions de hL, et une réduction des importations de 1,6 % (1,03 million hL). Cependant, une tendance notable est la croissance forte du segment des bières sans alcool, en hausse de 13 %, atteignant 7,5 % de part de marché, contre 7 % l’année précédente. Cette dynamique souligne la volonté des brasseries nationales d’adapter leur offre à une demande croissante pour des produits plus sains ou à teneur réduite en alcool.​

Un marché en recomposition

Le contexte économique lourd pèse sur toutes les facettes du secteur. La restauration, canal traditionnel de distribution, subit une forte pression, sa part passant de 31,4 % à 30,7 %. La baisse de fréquentation dans les restaurants, accentuée par la crise des prix de l’énergie et des matières premières, fragilise notamment les établissements de campagne et les petites brasseries, qui doivent faire face à un double défi : rembourser des prêts COVID et s’adapter à des habitudes nouvelles, plus orientées vers la sphère privée et numérique.​

En parallèle, la dynamique de création de nouvelles brasseries a ralenti, marquant une phase de consolidation. La demande en bières artisanales, autrefois en forte croissance, semble se stabiliser, laissant place à un regain d’intérêt pour les bières traditionnelles : lagers, blondes, pilsners. Ces classiques séduisent par leur clarté, leur équilibre et leur buvabilité, et représentent une majorité écrasante (plus de 92 %) des ventes totales de bière en Suisse.​

La montée en puissance des bières sans alcool

L’innovation semble désormais être un facteur clé de croissance. La production de bières sans alcool a bondi de 13 % en volume, illustrant l’adaptabilité des brasseurs face à une demande qui ne faillit pas. Les importations ont également progressé de 11,3 %, témoignant d’un intérêt accru pour la diversité et la santé. Marcel Kreber, directeur de l’ASB, souligne que cette tendance a été anticipée de longue date par les brasseries, leur permettant de développer des gammes innovantes et compétitives dans un marché en mutation. : « Les brasseries de l’ASB ont anticipé cette tendance et pris les bonnes décisions stratégiques en faveur de la production de bière sans alcool il y a déjà plusieurs années. Cette prévoyance a ouvert de nouveaux domaines de croissance pour les brasseries et démontre remarquablement la capacité d’innovation de l’industrie brassicole suisse. »

Enjeux sociétaux et politiques

Au-delà des chiffres, la question de la place de la bière dans la société suisse reste centrale. Le président de l’ASB, Nicolò Paganini, rappelle l’importance sociale de la bière, notamment dans le lien social, malgré la vision stricte de l’OMS qui souhaite réduire la consommation d’alcool pour des raisons de santé publique. L’ASB qui tire la sonnette d’alarme contre une stigmatisation jugée excessive, soulignant la nécessité d’une approche nuancée qui privilégie la responsabilité plutôt que l’interdiction totale.​