Dans les débats sur le projet de loi de financement de la Sécurité sociale, plus de vingt amendements visent la bière. Magali Filhue, déléguée générale de Brasseurs de France, alerte sur les risques pour les 2 500 brasseries françaises.
Comme chaque année, les parlementaires ont débuté leurs réflexions autour du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS). Plus de vingt amendements visant notamment à accroître la fiscalité sur le secteur brassicole ont déjà été déposés. Face à ces propositions, Magali Filhue, Déléguée générale de Brasseurs de France, alerte des mesures qui, si elles étaient adoptées, menaceraient une filière stratégique du patrimoine économique français.
Bière Actu – Lors de la commission des affaires sociales, plusieurs amendements ont été déposés impactant la filière brassicole. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Magali Filhue – Cette année, à nouveau, certains parlementaires de la commission des affaires sociales ont souhaité augmenter la fiscalité sur les boissons alcoolisées, et notamment la bière, avec plusieurs taxes allant des bières aromatisées aux bières à plus de 8°. Chaque automne, la même tentation revient : faire de la bière un bouc émissaire fiscal. C’est oublier que derrière chaque brasserie, il y a un territoire, des emplois, des cultures et des savoir-faire.
Au total, plus de vingt amendements ont été déposés, tous d’origine parlementaire. A ce jour, deux ont été adoptés : le déplafonnement de la hausse des accises liée à l’inflation, et une taxe de 3 % sur la publicité pour les entreprises réalisant plus de 10 millions d’euros de chiffre d’affaires.
BA – Comment Brasseurs de France a réagi face à ces amendements ?
MF – Nous refusons la stigmatisation d’un produit et d’une filière qui ont prouvé leur sens des responsabilités.
La France est le dernier pays consommateur de bière en Europe, le marché est en recul de 7 % sur les deux dernières années, et pourtant, la pression fiscale n’a jamais été aussi forte, sans logique de prévention des consommations à risques, ni économique. Depuis plus de 30 ans, nos brasseurs s’impliquent concrètement dans la prévention des comportements à risque au sein de l’association Prévention et Modération, dont Brasseurs de France est membre fondateur.
Les chiffres officiels le montrent :
- La consommation quotidienne d’alcool a chuté de 21,5 % à 7 % entre 2000 et 2023.
- Les jeunes de 17 ans n’ayant pas consommé d’alcool dans le mois ont doublé depuis 2000.
- Les épisodes d’alcoolisation ponctuelle importante sont en recul constant.
La société a changé. Les Français consomment autrement. Persister à vouloir taxer la bière, c’est refuser de voir cette réalité. C’est ce que nous expliquons aux parlementaires.
BA – Quelles seraient les conséquences pour la filière si ces amendements étaient adoptés ?
MF – C’est simple. L’ensemble de ces amendements reviendrait à doubler la fiscalité existante sur les bières, déjà contributrice à hauteur d’1 milliard d’euros d’accises. Doubler la fiscalité sur la bière, c’est fragiliser des entreprises déjà sous tension, confrontées à la hausse des coûts et à un marché en repli de 7 % sur deux ans.
La filière brassicole française, c’est 2 500 brasseries, 130 000 emplois directs et indirects, de l’amont à l’aval, du producteur d’orge aux cafés-hôtels-restaurants. Chaque brasserie fait vivre une chaîne entière : agriculteurs, transporteurs, artisans, commerçants, au cœur des territoires. Quand on taxe la bière, on taxe la ruralité. On taxe l’activité dans les villages. On taxe la main qui fait encore tourner l’économie locale.
En 2024, trois brasseries ont fermé chaque semaine. Je le dis aux parlementaires : une brasserie qui ferme, c’est un savoir-faire qui disparaît, un emploi qui s’efface, un village qui s’éteint.
BA – Quel message souhaitez-vous adresser aux parlementaires ?
MF – Nous appelons à la raison. Ces amendements ne relèvent pas d’une efficacité en termes de santé publique : ils relèvent d’une logique purement budgétaire, déconnectée du terrain. Le budget n’est pas terminé, il est encore temps d’apaiser les débats et d’avancer collectivement pour mettre en place une vraie politique de prévention ciblée en France, à destination des jeunes, des femmes enceintes, des personnes au volant… Toute l’année, nous invitons les parlementaires à venir voir la réalité : à visiter une brasserie, à rencontrer les salariés, à comprendre ce que représente cette filière dans le tissu économique national.
La bière est un produit ancré dans la terre, dans les 2 millions d’hectares d’orges, dans les 700 hectares de houblon, partout en France, dans l’économie réelle. Ce que nous défendons, ce n’est pas un produit, c’est une filière, une agriculture et une part de notre identité patrimoniale. ■

Journaliste depuis plus de 25 ans, Olivier Malcurat entre dans l’univers de la bière en 2018 avec Le Pod’capsuleur, le podcast qui aime la bière et les brasseurs. En juillet 2020, il lance Bière Actu, un site d’information indépendant et participatif à trois voix : journalistes, experts et professionnels.
